34 – Joseph Darnand au château Charpentier
Vichy et la Milice en déroute, Belfort sur le chemin de l’exil.
La Milice est une organisation politique et paramilitaire française créée le 30 janvier 1943 par le gouvernement de Vichy pour lutter contre la résistance. Les miliciens vont aider la gestapo et les Allemands pour traquer des juifs et des réfractaires au STO. La Milice est donc une police politique et une force de maintien de l’ordre du régime de Vichy.
Le chef officiel de la Milice est Pierre Laval, chef du gouvernement, mais le véritable responsable en est le secrétaire général, Joseph Darnand.
Investis d’une double mission de répression et de propagande active en faveur de « l’ordre nouveau », les miliciens multiplient les activités paramilitaires contre les réseaux de la résistance. Ils pratiquent fréquemment des exécutions sommaires, tout en aidant la police allemande aux opérations de quadrillage et d’interrogatoires.
Comme les nazis, les miliciens usent couramment de la délation, de la torture, des rafles, des exécutions sommaires et arbitraires, voire de massacres. Leur pratique systématique de la violence et leurs nombreuses exactions, contribuent à les faire rester très minoritaires au sein d’une population qui les rejette largement. La Milice a compté au maximum 35 000 membres dont pas plus de 15 000 militants actifs.
La Milice est à la fois un parti, une police (le deuxième service) et une armée (la Franc-Garde). Sa Franc-garde participe dès l’hiver 1943-1944 à la répression sanglante des maquis. En janvier 1944, la Milice est étendue au Nord de la France.
Le personnel de la Milice est une force militaire médiocre, qui n’obtient jamais la confiance des Allemands. Leur comportement les décrédibilise rapidement car il adopte bien souvent une attitude franchement délictueuse (vols, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires, etc.). (Ainsi à Belfort, à la fin du mois d’août 1944, de nombreux miliciens fuyant l’avance alliée, font régner la terreur. Aux assassinats se succèdent les pillages sans retenue, la banque de France n’étant pas épargnée.)
La Milice est impitoyable et commet les pires actions d’assassinats de personnalités opposées au régime ou d’anciens membres du gouvernement du Front Populaire.
Déstabilisés par leur impopularité auprès de la nette majorité des Français, les miliciens redoublent d’extrémisme vers la fin de la guerre. De fait en 1944, la Milice fait l’objet d’une réprobation quasi générale.
Le 6 août 1944, Pétain, dans une lettre à Laval, s’inquiète des exactions de la Milice, tout en reconnaissant son rôle essentiel dans la collaboration avec la police allemande.
Avec la Libération de la France à partir de juin 1944, 6.000 miliciens se réfugient en Allemagne où ils sont intégrés dans la brigade SS Charlemagne.
Lors la Libération, la Milice est dissoute par le gouvernement provisoire de la République française, par l’ordonnance du 9 août 1944, relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental.
Femmes, accusées de collaboration, tondues à la mairie de Valdoie. (Témoignages de Paulette Monchablon, jeune femme vivant à Valdoie en 1944) – 2015
En cette fin d’été 1944 c’est un peu la débandade pour le gouvernement de Vichy. Fuyant l’avancée des Alliés, les autorités d’occupation allemande évacuent les principaux responsables de la collaboration. Le 16 août, le représentant allemand à Paris, Otto Abetz reçoit l’ordre de conduire les membres du gouvernement français à Belfort. Laval s’incline mais proteste et démissionne de ses fonctions de chef du gouvernement. Le 20 août, les portes de l’Hôtel du Parc sont forcées et le maréchal Pétain est amené malgré lui. Il écrit à Hitler et dénonce cet acte de force. Il y souligne fermement l’impossibilité d’exercer ses prérogatives de chef de l’Etat français. Dans le véhicule qui le conduit vers Belfort, il jette, durant le parcours, des tracts explicites par sa fenêtre : « Français. Au moment où ce message vous parviendra, je ne serai plus libre. Je subis la plus grande contrainte qu’il puisse être donné à un homme de souffrir. C’est avec la joie que je l’accepte si elle est la condition de notre salut. »
Pétain et Laval ne se considèrent donc plus, le premier comme le chef de l’Etat, le second comme le chef du gouvernement. Cependant malgré cela Belfort devient de fait la capitale de l’Etat Français du 17 août au 7 septembre 1944.
Le maréchal reste peu de temps à la Préfecture, du 24 août au 7 septembre 1944, avec sa femme et le docteur Ménétrel ils logent au château Viellard à Morvillars. Laval réside à la Préfecture de Belfort et Darnand au château
Charpentier à Valdoie. En dépit de la détestation de l’occupant et de l’attente des libérateurs, les sentiments maréchalistes sont encore présents dans la population. C’est aux cris de « Vive Pétain ! Vive de Gaulle ! Vive la France ! » que le maréchal fait son entrée dans le village de Morvillars. Mme Viellard elle-même, pourtant engagée dans un mouvement de résistance, manifeste à l’égard du vieux maréchal des sentiments de respect. Elle lui propose ses services pour entrer en relations avec des hommes du général de Gaulle. Son mari, Louis Viellard est au maquis sous le nom de capitaine Félix. En résidence surveillée Pétain refuse de parler ou même de rencontrer Pierre Laval. Les deux hommes sont fâchés car le maréchal veut se rapprocher de Gaulle alors que Pierre Laval préfère lui continuer à collaborer.
Les ultras de la collaboration arrivent également dans la cité du Lion. Darnand, Paul Marion et Jean Bichelonne souhaitent poursuivre un engagement total avec l’Allemagne. Darnand, Doriot et De Brinon se rendent en Prusse orientale rencontrer Hitler et Ribbentrop pour mettre sur pied, mais sans succès un nouveau gouvernement pro-allemand.
Pendant ce temps la Milice, logée à la caserne Vauban et au lycée de garçons multiplie exactions et brigandages. Les miliciens en repli doivent trouver sur le pays ce dont ils ont besoin : nourriture, véhicules, essence, argent. Ils montent de véritables actions de commando pour parvenir à leurs fins. Belfort et sa région proche sont mises à sac. Menée par Francis Bout de l’An, un proche de Darnand, la Milice commet le 6 septembre un hold-up à mains armées à la banque de France de Belfort. Sous la menace de mitraillettes, douze individus armés emportent 300 millions de francs.
Le 7 septembre, Darnand et tous ses acolytes quittent le Territoire de Belfort en direction de Fribourg, puis de Sigmaringen.