6 – René Grandvoinet
A l’approche des armées alliées libératrices, des résistants FFI ont fait le choix de monter au maquis et de jouer un rôle militaire d’appui. C’est le cas de René Grandvoinet dans le massif de la Haute-Planche.
La montée au maquis de la Haute-Planche
Les difficultés des maquisards
L’espoir, la montée au maquis de la Haute-Planche
(Photos R. Bernat sur le parcours « Chemin de la mémoire » conçu par le Souvenir Français et le collège Val de Rosemont de Giromagny.)
Le commandant Dufay dirige le millier de résistants FFI du Territoire de Belfort. Ils sont répartis en plusieurs compagnies et impatients d’agir à l’approche imminente et espérée de la 1ere Armée Française qui progresse très rapidement dans la vallée du Rhône puis de la Saône.
Raten, le chef, reçoit le mardi 5 septembre, l’ordre de mobilisation tant attendu. Mais seule la partie nord du département, contreforts du massif vosgien, permet l’implantation d’un maquis. La compagnie de commandement, la deuxième et la troisième compagnie se regrouperont donc sur le massif de la Planche des Belles Filles, une crête boisée à environ 1100 m d’altitude qui permet de contrôler trois vallées. La 1ere compagnie, quasi autonome, dirigée par le capitaine Aubert, s’installe, elle, dans la forêt au sud d’Étobon dans la Haute Saône toute proche. Leur mission est de désorganiser les troupes allemandes occupant la région par des actions de guérilla afin de faciliter la progression des troupes de la 1ère Armée française.
A la Planche des Belles Filles, dès le 6 septembre, les maquisards sont environ 600. L’abbé Dufay dirige la compagnie de commandement, le capitaine Perriaux dit « Marchand » la 2ème compagnie et le capitaine Gigout dit « Vernet » la 3ème. Elles sont d’abord réparties en triangle, au Plain des Bœufs au nord, à la Tête des sapins à l’ouest et à l’Ordon Verrier à l’est. Mais un sérieux accrochage doit modifier les plans, Dufay et sa compagnie s’installe au cœur du massif, au chalet du club alpin et Gigout à la chaume du Querty.
Les difficultés des maquisards
Les maquisards créent des abris de fortune et s’organisent militairement : instruction, patrouilles, maniement d’armes, réception de deux parachutages d’armes et coups de mains. Une vingtaine de soldats allemands sont capturés et enfermés dans le chalet du club alpin. Les résistants sont rejoints par un contingent de Sénégalais et quelques Marocains rescapés d’un train de prisonniers fracassé par l’aviation alliée près de Bas-Evette et par des évadés anglais et russes des stalags allemands.
Mais bientôt l’inquiétude succède à l’espoir avec l’arrêt de l’offensive de la 1ère Armée Française, le renforcement et la contre-offensive de l’armée allemande qui s’accroche à la Porte de Bourgogne.
Présentant le danger, les 14 et 15 septembre Dufay décide un regroupement tactique et resserre le dispositif sur la Planche. Le 14 septembre, une brève fusillade allemande ne fait aucun mort. C’est une sorte d’avertissement : l’armée allemande désire éliminer ces maquisards. Le 15, les patrouilles de reconnaissance et de ravitaillement sont toutes accrochées. Le maquis est donc isolé et coupé du reste du Territoire de Belfort. L’accès aux vallées devient impossible. Le 16, une attaque est rejetée. Mais le lendemain, les Allemands profitent d’un épais brouillard pour lancer une grande offensive sur la Haute-Planche avec un bataillon complet. Les maquisards la repoussent mais le camarade Wurtz est tué par une grenade. Les FFI essuient des tirs de mortiers de plus en plus précis. La situation est devenue très grave. Au péril militaire s’ajoute la pluie incessante et le manque de vivres.
Le décrochage et la dissolution
L’Etat-major décide d’abandonner la position devenue intenable, de décrocher dès le soir du 17 septembre en direction d’Étobon pour retrouver la compagnie Aubert et rejoindre les troupes américaines qui ne seraient qu’à 12 km.
C’est à 23 heures, le dimanche 17 septembre que les maquisards quittent la Planche des Belles Filles. Les 600 hommes marchent les uns derrière les autres, avec à la tête de cette longue colonne la 3ème compagnie suivie de la compagnie de commandement et la 2ème compagnie fermant la marche. Par une nuit d’encre sous une pluie incessante et dans un silence absolu, il faut éviter les postes allemands, les rochers, les torrents, les éboulis et surtout ne pas s’égarer. On s’accroche au ceinturon du camarade qui précède. Malgré cela la troupe se scinde, certains se perdent, les prisonniers allemands en profitent pour s’échapper. René Grandvoinet récupère une partie des soldats égarés. Le lundi 18, dans la forêt au-dessus de la route Auxelles-Bas- Plancher-Bas, Dufay tire les leçons de la difficile nuit précédente. Si l’objectif d’Étobon reste le même mais il faudra s’y rendre séparément, en trois groupes, chaque compagnie devient autonome.
Après une marche séparée, les compagnies du commandant et du capitaine Gigout s’installent provisoirement pour un repos réparateur sur la crête de la Haute Côte. Les hommes sont épuisés et affamés. La dysenterie sévit, la pluie ne cesse de tomber. Du 20 au 24 septembre, les 360 hommes des deux compagnies bivouaquent sur cette colline entre Auxelles et Errevet, entre les étangs d’Evette à l’est et la vallée du Rahin à l’ouest. Les nouvelles d’Étobon sont mauvaises et la compagnie du capitaine Perriaux est en gran de difficulté dans les bois de Chatebier. La position de la Haute Côte en cas d’attaque allemande serait impossible à tenir, l’abbé Dufay décide de rendre à chaque maquisard sa liberté. 210 choisissent de rester malgré tout. Les nouvelles sont inquiétantes, les Cosaques traquent les résistants. Avec émotion mais se rendant à l’évidence le commandant Dufay décide le 26 septembre la dissolution du groupe. Des mois d’espoir s’écroulent, les efforts auront été vains. Après un dernier repas passé tous ensemble, 170 hommes se dispersent dans la brume et la nuit.
Rejoindre l’armée de libération
Une quarantaine d’hommes restent avec Dufay, ce sont ceux qui sont recherchés par la Gestapo, le dernier carré, les durs des durs. Du 27 septembre au 7 octobre, ils se cachent dans la forêt à environ 1 km au nord-est de la Haute Côte. Toujours pas d’avancée de l’armée libératrice et l’annonce d’arrestations de camarades, Errevet est occupé par la Feldgendarmerie. Le commandant décide de décrocher une nouvelle fois avec une trentaine d’hommes pour rejoindre les troupes alliées. René Grandvoinet et les Sénégalais gardent les prisonniers. Cette nouvelle marche est très périlleuse car il faut serpenter vers l’ouest à travers les lignes ennemies. Après une halte réparatrice à la ferme Raffenne dans la forêt de Lepuix-Gy, le 10 octobre, la colonne reprend sa marche. Descente dans la vallée du Rahin, remontée sur l’autre versant en direction de Belfahy, éviter le village de Miellin pris récemment par les Allemands puis marcher des heures entières à flanc de montagne. Mardi 10 octobre, vers 17h40, enfin la délivrance : on entend le bruit d’une colonne de blindés, amis ou ennemis ? Une immense joie, ce sont les alliés. Le commandant Dufay déploie le fanion du bataillon FFi du Territoire de Belfort et derrière leur chef les rescapés de ces cinq longues semaines marchent lentement vers les armées de la France libre.
Le groupement FFI du Territoire de Belfort comptait environ 700 hommes ou femmes. On a recensé 117 victimes, 74 fusillés, 38 morts au combat ou disparus et 5 morts en déportation.
Germaine SABLON chante « Le chant des partisans », créé par la guitariste Anna MARLY, mis en paroles par Joseph KESSEL et Maurice DRUON. Germaine SABLON fut la première interprète de ce célèbre hymne. (source : INA)
Reportage dans la cour des Invalides. Hommage à Anna Marly, auteure de la partition du « Chant de la Libération » plus connu sous le nom de « Chant des Partisans », devenu le symbole de la lutte contre le nazisme, et en 1943, l’hymne de la Résistance. (source : INA)