8 – L’assaut à l’usine Socolest
Le général de Lattre prévoit de prendre en tenaille les troupes allemandes qui tiennent l’aire urbaine. Pour Belfort, l’offensive libératrice viendra de l’ouest par la RN 83 mais le plan du colonel Chappuis doit tenir compte de la présence d’un redoutable fossé antichars installé à 100 mètres au-delà du canal de la Haute-Saône.
L’usine Socolest
(Fonds privé Bernard Frezé)
L’usine Socolest. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort.) – 2015
(source : VACELET, Marie-Antoinette. Le Territoire dans la tourmente 1939-1944. Editions Cêtre,2004.303 p.)
De septembre à la mi-novembre 1944, mettant à profit un répit, les Allemands mettent en chantier un gigantesque fossé antichar des contreforts des Vosges à la frontière suisse. Il doit barrer tous les passages de blindés dans la Trouée de Belfort, de la plaine sous-vosgienne aux premiers contreforts du Salbert à Valdoie jusqu’à la frontière suisse. Des civils sont requis de force et y travaillent durant des semaines. Les réfractaires sont menacés de déportation en Allemagne. L’occupant fait même venir de jeunes adolescents mulhousiens pour manier la pelle, le pic et la pioche. Ce fossé anti-char a des dimensions gigantesques : 4 m de large, 3 m de haut et 40 km de long sur une surface discontinue et un tracé en zig zag. Les requis sont des hommes de 16 à 55 ans qui travaillent sous la surveillance de soldats armés.
Père forcé d’aller à Bourogne creuses des fossés. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort.) – 2015
Les alliés connaissent ce fossé qu’ils ont repéré avec des avions de reconnaissance et son existence sera prise en compte dans les plans d’offensive. En plusieurs endroits il jouera son rôle et retardera de quelques heures l’avancée des armées de libération. Mais ce fossé n’a pas joué le rôle que ses concepteurs auraient voulu car les Allemands ont été surpris par l’offensive de la 1ère Armée française qu’ils n’attendaient pas de sitôt. Ils n’ont donc pas pu achever les travaux, ni miner le terrain en avant des positions, ni armer les casemates. Après la guerre ce sont les prisonniers allemands qui ont été employés à son comblement.
(Sources : Archives nationales USA)
(Sources : ECPAD)
Arrivée des commandos par le pont de Cravanche. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort.) – 2015
Les Français libèrent la Franche-Comté mais ne peuvent forcer l’entrée de la Trouée de Belfort. En effet, la 1ère Armée Française, avec ses deux corps d’armées, s’essouffle, bloquée dans le Doubs. La fatigue des hommes, les difficultés d’approvisionnement, l’apparition du mauvais temps et le retour en force de la Wehrmacht entraînent une pause dans l’offensive. Le front se stabilise alors pour plus de sept semaines. Près de deux mois sont nécessaires pour se reconstituer sur la base logistique à quelques dizaines de kilomètres de Belfort.
Dans la ville, la Gestapo française et la milice, qui sentent la fin approcher, pillent et sèment la terreur.
Le 13 novembre 1944, Churchill et de Gaulle se rencontrent à Maîche. Le Premier Ministre anglais désapprouve l’idée d’attaquer par le temps qu’il fait. Dès le lendemain De Lattre lance néanmoins par un temps déplorable, la grande offensive.
La 1ère armée française avec ses 2 corps d’armées perce la ligne de front qui était stabilisée depuis 2 mois. De la frontière Suisse aux Vosges se placent les deux Corps d’Armées avec leurs Divisions.
Héricourt et Montbéliard sont libérées le 17 novembre, Delle le lendemain.
Ordre est donné de couper la retraite allemande en prenant les villages alsaciens de Dannemarie et de Valdieu. La prise de Belfort sera ainsi facilitée, les Allemands ne recevront pas d’aide. C’est le général Carpentier qui doit prendre la ville à l’aide de la 2ème DIM, division d’infanterie marocaine. Le 19 novembre 1944, les tirailleurs marocains libèrent Buc et Chalonvillars. Ce sera la base de départ pour attaquer Belfort. L’objectif est de prendre le fort d’Essert et le canal du Rhône au Rhin. L’assaut sur la ville va être essentiellement confiée aux commandos. La brigade de choc placée sous les ordres du Lieutenant-Colonel GAMBIEZ va être engagée pour faire sauter le verrou de Belfort.
En raison des difficultés des accès nord et sud de Belfort, la décision est confirmée d’attaquer au centre par Cravanche. Le plan du Colonel CHAPPUIS doit tenir compte de la présence d’un redoutable fossé antichars large de 7 mètres et installé à 100 mètres au-delà du canal de la Haute-Saône. Au groupe des commandos d’Afrique de BOUVET, il demande de franchir dans la nuit du 19 novembre le canal de la Haute-Saône et de s’emparer du fort du Salbert. Avant de l’atteindre il lui faudra s’infiltrer et franchir une dizaine de km à travers les lignes ennemies. A 23 h, une première patrouille comprenant 5 volontaires (dont l’aspirant KAMMERLOCHER originaire de Belfort) commandée par le capitaine MOLLAT, est envoyée en reconnaissance. Elle repère une passerelle de fortune en bois vermoulu pour franchir le canal de la Haute-Saône. Le 20 novembre vers 1h30, par une nuit noire, 1 200 hommes des commandos d’Afrique et de Provence, descendent de Chalonvillars et franchissent le canal sur cette passerelle puis montent silencieusement en direction du Salbert. En tête de la longue colonne le groupe DUCOURNEAU porte les échelles nécessaires à l’assaut du fort. A 6h30 ils sautent dans les fossés du fort, posent leurs échelles contre les murailles et prennent pied dans le fort. Celui-ci est vide les Allemands se sont repliés plus bas sur une ligne de défense dans le petit Salbert. La première partie de la mission des Commandos est remplie : s’emparer du Salbert et le tenir en attendant l’ordre de descendre sur Belfort lorsque les blindés franchiront le canal.