13 – Albert Bischoff
A partir de 1943, de nombreux jeunes réfractaires au Service du Travail Obligatoire gagnent la clandestinité et les maquis. Ils grossissent les rangs de la Résistance.
Extrait du registre de Victor Heidet lu par Arlette Fougeront, fille de Victor et Anna Heidet. – 2015
En janvier 1942, l’armée allemande qui doit faire face à la résistance inattendue de l’URSS manque d’hommes. Réquisitionnant les derniers ouvriers allemands, elle a plus que jamais besoin de main d’œuvre étrangère. L’occupant multiplie dans les pays occupés le nombre de ses propres offices de recrutement, mais les ouvriers volontaires ne sont pas assez nombreux. D’août 1940 à juin 1942, entre 60.000 et 150.000 Français partent travailler en Allemagne de leur plein gré. Sauckel, le commissaire allemand pour l’emploi de la main d’œuvre, vient à Paris en mai 1942, pour exiger l’envoi de 350.000 travailleurs français en Allemagne, dont 150.000 spécialistes. Laval maquille cette exigence du « négrier de l’Europe » en une entreprise généreuse : « la Relève ». Le principe consiste à échanger un prisonnier qui rentrerait en France, contre trois ouvriers français qui partiraient en Allemagne. Malgré l’illusion d’une réciprocité c’est un échec.
Alors Pierre Laval avec la loi du 16 février 1943 met en place le Service du travail obligatoire. Il impose la réquisition, pourune durée de deux ans, de tous les jeunes hommes nés entre 1920 et 1922, c’est à dire âgés de 20, 21 et 22 ans pour soutenir l’effort de guerre du Reich. Entre 400.000 et 450.000 jeunes gens sont ainsi contraints à partir, toutes professions et catégories sociales confondues. L’état français est le seul parmi les états européens à forcer ses ressortissants à collaborer, et à fournir un pourcentage de main d’œuvre aussi important. Avec l’instauration du STO, le gouvernement de Vichy bascule donc dans la collaboration la plus extrême, cette mesure figure au premier rang des reproches qui lui sont adressés.
Un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944. La France est le troisième fournisseur de main-d’œuvre forcée du Reich après l’URSS et la Pologne, et le pays qui lui donna le plus d’ouvriers qualifiés. Les listes des personnes requises pour le « STO » sont arrêtées par les préfets. Des menaces et des pressions sont exercées sur les familles. Des perquisitions et des contrôles de police ont lieu, on recourt à la délation. Voulant rassurer la population, la propagande montre les jeunes travailleurs mangeant à leur faim, et se délassant dans des baraquements confortables. En réalité, les ouvriers vivent en majorité à côté des usines où ils sont employés, dans des baraquements très semblables à des stalags même s’ils ne sont pas entourés de barbelés. Entassés dans de petits dortoirs, ils dorment sur des paillasses, travaillent 12 heures par jour, et sont mal nourris. La plupart des témoignages d’après-guerre évoquent la faim quotidienne et une fatigue constante.
L’instauration du STO consacre la rupture entre le régime de Vichy et la population. Une hostilité croissante naît, non seulement chez les ouvriers mais aussi chez les paysans et les classes moyennes, populations jusque-là soutenues par Vichy. Une majorité de Français prend conscience, avec l’instauration du « STO », du pillage économique et humain provoqué par l’occupation. Le « STO » contribue donc à faire basculer une partie de l’opinion en faveur de la résistance, qui catalogua immédiatement le « STO » comme une déportation.
Pour le Territoire de Belfort on peut estimer le nombre de départs en Allemagne à 4 000 à 5 000 personnes volontaires ou non. Les mouvements de résistance comme le Front National demandent aux maires de protéger les réfractaires. Les jeunes français qui veulent s’y soustraire sont obligés de gagner la clandestinité. Ils grossissent de fait les rangs des maquis de résistance. Arrêtés, ils risquent la peine de mort comme deux jeunes réfractaires de Giromagny fusillés à Besançon en 1943.
Le S.T.O. a permis à la Résistance intérieure de renouveler et d’élargir, pour la première fois de façon massive, son recrutement, et par là même de renforcer ses liens avec les populations urbaines et rurales.
Témoignages de Pierre Masson, libérateur de Valdoie, réfractaire au STO et qui échappa par deux fois aux contrôles – 2015
Les bombardements de Belfort. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort en 1944) – 2015
Hommes réquisitionnés par les Allemands. (Témoignages de Paulette Monchablon, jeune femme vivant à Valdoie en 1944) – 2015
Les Forces françaises de l’intérieur (FFI) sont le résultat de la fusion,au 1er févrir 1944, des principaux groupements militaires de la résistance gaulliste française. Il s’agit en particulier de lArmée secrète (AS regroupant Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur), de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA, Giraudiste) et les Francs-Tireurs et partisans (FTP, communistes).
La fusion permet l’unification et l’organisation hiérarchique du mouvement. Les FFI sont placées en mars 1944 sous le commandement du général Koening et sous l’autorité politique du GPRE du Général de Gaulle.
Les effectifs des FFI sont de 100 000 en janvier 1944, 200 000 en juin et 400 000 en octobre. Cette force a joué un rôle non négligeable dans la préparation du débarquement allié en Normandie de juin 1944 et dans la libération de la France
Pour les contrôler, De Gaulle envoie des délégués militaires nationaux qui désignent des délégués régionaux, le tout sous le commandement du général Kœnig, chef à Londres de l’état-major des FFI.
Les FFI sont effectivement engagées sur de nombreux fronts à partir du débarquement en Normandie. D’abord, ils multiplient les sabotages qui freinent de façon décisive les déplacements de la Wehrmacht (plan vert pour les voies ferrées, plan bleu pour le réseau électrique, plan «tortue» pour les routes). Ensuite, ils aident à la progression des troupes alliées par leur connaissance du terrain et leur engagement à leurs côtés. Ils lancent enfin des opérations militaires de leur propre chef comme dans le maquis du Vercors, la Libération de Paris ou celle du centre de la France.
Les FFI ont été ensuite incorporées pour la plupart dans la Première armée du général de Lattre de Tassigny.
Le brassard est réalisé avec des chutes de tissu cousues entre elles. Elles sont souvent de provenance diverse (coton de vêtement, soie de parachutes alliés, etc). Le brassard arbore les trois couleurs nationales surmontées de l’abréviation FFI peinte à la main. Il n’est pas rare de rencontrer sur ce type de brassard l’insigne de la croix de Lorraine.
La croix de Lorraine (appelée auparavant croix d’Anjou) est une croix à double traverse.
La France Libre l’adopte pour symbole à la suite de la proposition du vice-amiral Emile Muselier faite à de Gaulle le 1er juillet 1940, pour lutter contre la croix gammée. Le symbole a été adopté ensuite par tous les Français libres et figure sur de nombreux insignes.
Historique de la Résistance intérieure à Paris et en province. Reconstitution d’actions de FFI. (sources : INA)