17 – La boucherie Poirisse

 

 

Site N°1717

 

           Comme Madeleine Poirisse, bien des Françaises ont eu à subir l’éloignement d’un mari ou d’un proche, prisonnier en Allemagne, et la hantise de pourvoir au ravitaillement quotidien. Comme elle, elles ont fait preuve de courage et de détermination dans leur engagement.

 

Pénurie et rationnement

(sources : ADTB)

 

Le rationnement (Témoignage d’Arlette Fougeront, fille de Victor et Anna Heidet) – 2015

Se procurer de la nourriture durant l’Occupation (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort en 1944) – 2015

Se chauffer en récupérant du bois mort. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort en 1944) – 2015

Le système D pour se vêtir. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort en 1944) – 2015

Les enfants étaient envoyés en Suisse pour ne pas subir la pénurie. (Témoignage de Denise Weibel, jeune fille vivant à Belfort en 1944) – 2015

Le marché noir (Témoignage de Pierre Mermet, un garçon de 8 ans en 1944) – 2015

Un cochon acheté au marché noir et caché dans un gazogène. (Témoignage de Pierre Mermet, un garçon de 8 ans en 1944) – 2015

La pomme de terre comme base de nourriture (Témoignage de Pierre Mermet, un garçon de 8 ans en 1944) – 2015

Ouvrir la pâtisserie pour que les Allemands ne la réquisitionnent pas. (Témoignage de Paulette Monchablon, jeune femme vivant à Valdoie en 1944) – 2015

 

             Dès 1940 la France va connaître une pénurie, conséquence directe des prélèvements allemands, de l’arrêt des échanges commerciaux, de la désorganisation des transports, du manque de main-d’œuvre et du blocus instauré par les Anglais.

Le gouvernement de Vichy instaure alors un système de rationnement avec cartes et tickets. À l’automne 1940, pour tenter d’améliorer la situation devenue catastrophique, des tickets de rationnement sont délivrés. Ils accordent des rations hebdomadaires d’achats qui ne peuvent être dépassées. Ils sont différenciés pour les hommes, les femmes les enfants et donnent droit à l’équivalent de 1.200 à 1.800 calories par jour, suivant l’âge et le lieu de résidence.  Tous les mois, un arrêté du secrétaire d’État au Ravitaillement détermine, pour chaque denrée rationnée, la quantité qui sera attribuée au consommateur.

Photo 159

Tickets de rationnement (Collection Musées de Belfort)

Chaque Français est classé par catégorie en fonction de ses besoins énergétiques, de son âge, de son sexe et de son activité professionnelle. Chaque personne reçoit alors la ration en rapport avec l’une des huit catégories de bénéficiaires de ces cartes d’alimentation de E, les nouveau-nés, à V, les vieillards, sans oublier les jeunes, J, ni les adultes, A.

Les tickets permettent de se procurer des produits de première nécessité alimentaire comme le pain, la viande, le poisson, le sucre, les matières grasses, etc. Même le tabac et le vin sont rationnés. Ils existent également pour des produits non-alimentaires : linge, chaussures, vaisselle, essence, tabac, combustibles. 

Carte Aliment Textile Mermet-R

Cartes de rationnement pour de l’alimentation ou du textile. (source : P. Mermet)

Conçus pour procurer le strict nécessaire, les tickets ne garantissent pas toujours le minimum vital. Les ménagères doivent se lever tôt et affronter les queues devant les boutiques qui sont prises d’assaut bien avant leur ouverture. Très tôt, chaque jour, les pancartes s’affichent : plus de pain, plus de viande…

D’autres denrées, des produits de substitution, des ersatz font leur apparition : les rutabagas, les topinambours…

Le rationnement alimentaire prendra fin courant 1949. Un rationnement  similaire avait déjà été mis en place au cours de la première guerre mondiale.

Les tickets de rationnement présents dans la malle (fac-similés) concernent les fromages et les matières grasses : margarine, saindoux, gras de bœuf fondu, beurre, huiles végétales, graisse alimentaire.

Prisonniers dans les stalags

                  Dans l’Allemagne de 1939-1945, Stalag, abréviation de Stammlager, est un terme désignant un type de camp pour prisonniers de guerre. Stammlager est l’abréviation de Mannschaftsstamm und Straflager, « camp ordinaire de prisonniers militaires ». Ce type de camp était destiné aux soldats et sous-officiers, les officiers étant détenus dans des Oflags.

Selon la Convention de Genève de 1929, ces camps sont réservés uniquement aux prisonniers de guerre, et non aux civils.

En 1940, plus de 1 800 000 soldats français ont été faits prisonniers, 1 600 000 d’entre eux ont ensuite connu la captivité en Allemagne, dont un million pendant cinq ans. La captivité a frappé toutes les couches sociales et toutes les classes d’âge entre 18 et 50 ans. Les P.G. (prisonniers de guerre ou krieggefangene « KG ») sont, pour plus de la moitié, déjà mariés et souvent pères de famille. Privés de liberté, en exil en terre étrangère, séparés de leur foyer, affaiblis par la faim, contraints de travailler chez l’ennemi et pour lui dans les kommandos, ils constituent un monde à part.

4% seulement d’entre eux réussiront leur évasion et 40 000 mourront en Allemagne. Le travail, exécuté dans des conditions souvent très dures, les met en contact direct avec la population allemande. Certains  » privilégiés  » sont employés dans des fermes mais d’autres connaîtront les chantiers, les carrières, l’usine ou la mine.

Au nombre de soixante-quinze, oflags et stalags sont répartis dans les régions militaires allemandes dont ils portaient le numéro suivi d’une lettre (IA, IB, etc.). Chaque camp est constitué d’un camp central et de kommandos de travail. L’effectif de ces kommandos est très variable de quelques hommes (fermes agricoles), jusqu’à plusieurs centaines (chantiers, usines, mines).

Un stalag héberge plusieurs centaines d’hommes dans des baraquements entourés de barbelés. Une chambrée comprend une douzaine de lits de trois étages. Le règlement est strict : lever à quatre heures, rassemblement, appel, départ au travail, coucher à dix-neuf heures après la soupe. Les journées de travail sont harassantes.

La nourriture est l’obsession des prisonniers. Ils souffrent de faim et de malnutrition. Les rations sont toujours insuffisantes, et les prisonniers affectés à la corvée de soupe ou dans les commandos agricoles sont très enviés. Les grands moments de la journée sont la gamelle du midi et le casse-croûte du soir. Le menu est immuable : nouilles aux pruneaux, rutabagas, blé cuit. La soupe du dimanche se compose de pommes de terre avec, les premiers mois, un peu de viande. La ration de pain est de 350 grammes par jour.

La population allemande ne manifeste généralement pas d’hostilité à l’égard des prisonniers, qui partagent ses souffrances jusqu’au bout. Tout contact avec les civils est bien entendu interdit, et tout prisonnier convaincu de relation avec une femme allemande est passible de la peine de mort. Il se trouve, malgré tout, des gens assez cordiaux pour adoucir le sort des captifs par un geste de compassion. Les geôliers sont souvent des anciens combattants de l’autre guerre. Ils considèrent les soldats vaincus avec une certaine compréhension.

 Carte de correspondance d'un prisonnier dans un stalag. (Fonds privé R.Bernat)

Carte de correspondance d’un prisonnier dans un stalag. (Fonds privé R.Bernat)

Le moral des prisonniers est variable : il dépend des circonstances, qui évoluent au cours de la guerre, et des individus, qui supportent plus ou moins bien les épreuves de la captivité. Certains broient du noir à longueur de temps, tandis que d’autres, de naturel insouciant et jovial, savent profiter des rares moments de pause et de loisirs. Le retour au pays constitue, avec la nourriture et les femmes, le principal sujet de conversation. Régulièrement, le bruit court que la libération est imminente. À quoi bon tenter de s’évader ?

Les commandos de travail composés de quelques dizaines d’hommes se rendent, sous escorte sur les différents chantiers : terrassements, entretien des voies ferrées et des routes, corvées diverses effectuées par tous les temps et sous la férule des contremaîtres. Conformément à la Convention de Genève, les prisonniers de guerre sont astreints au travail forcé à l’exception des officiers. En contrepartie, ils bénéficient de certains droits. Les patrons allemands apprécient la main d’œuvre française, notamment agricole. Du fait que beaucoup de Français sont des ruraux, ils sont souvent affectés dans des petites fermes, qui sont souvent trop éloignées du stalag pour que les ouvriers puissent rentrer au camp tous les soirs.

Les derniers mois de la guerre sont les plus durs. Les bombardements s’intensifient et les prisonniers sont très exposés. Ils participent au déblaiement des gravats après le passage des avions, comme le feront bientôt les femmes allemandes. À partir de 1942, 40 000 prisonniers périssent dans les bombardements des villes. En 1945, au fur et à mesure que les Alliés avancent, les rescapés rentrent par petits groupes. À la gare du Nord, on leur distribue des habits civils, des papiers provisoires et un peu d’argent. Ils sont déçus par la froideur de l’accueil, exaspérés par les pénuries, déboussolés et amers. La guerre a été gagnée sans eux, la France a été sauvée sans eux. On ne se gêne pas pour le leur rappeler. Ils ont été les figurants de la défaite.  Ils sont les oubliés de la victoire.

 Les femmes résistantes

Plaque commémorative à l'emplacement de l'ancienne boucherie Poirisse. (photo : R. Bernat)

Plaque commémorative à l’emplacement de l’ancienne boucherie Poirisse. (photo : R. Bernat)

Ils étaient des centaines de résistants, cachés dans l’ombre, à vouloir mettre sur pied un réseau de renseignements clandestin, des filières d’évasion vers la Suisse, des sabotages, à fabriquer des faux papiers d’identités. La plupart agissaient anonymement, poussés par le patriotisme, l’abnégation et le courage pour retrouver une France libre, démocratique, remplie de libertés.

Cependant, il n’y eut pas que des hommes résistants, les femmes aussi eurent un rôle important :

Les femmes avaient un rôle moins direct mais tout aussi important que les hommes ; elles étaient principalement des agents de liaison, chargées de transmettre la communication entre plusieurs compagnies de résistants ; elles préparaient les armes et les munitions ; préparaient les vivres nécessaires, cachaient des personnes recherchées, dissimulaient des objets suspects. Mais c’est aussi ne pas céder au découragement, garder espoir et foi en la patrie. Ne rien divulguer aux ennemis : une résistante avait refuser de déclarer à la Gestapo où se trouvait son mari (qui se cachait comme tant d’autres) et avait été déportée en camp, elle mourut la veille de la libération.

Voici les portraits de deux femmes résistantes, membres du groupe de Valdoie mené par le capitaine Victor Heidet :

Anna HEIDET : Epouse de Victor,  elle rejoint la résistance dès 1942 en intégrant le Front National dirigé par Jules Heidet. Elle est chargée de la distribution de tracts et de la presse du mouvement. Elle poursuit ses activités en y ajoutant l’hébergement d’évadés, de réfractaires au STO (Service au Travail Obligatoire) et d’agents de liaisons. En août 1944, elle est dénoncée et fuit à Rougemont-le-Château où elle assure la liaison entre les groupes du Territoire de Belfort. Elle revient pour participer aux combats de la libération le 19 novembre 1944.

 

Madeleine POIRISSE : Son mari est prisonnier et elle s’occupe seule de leurs deux enfants et de la charcuterie familiale. La boucherie Poirisse devient le PC (Poste de Commandement) du Front National de Valdoie. C’est dans cette boucherie que se réfugie Victor Heidet, traqué par la Gestapo. Lors de la libération, la boucherie sert pendant les combats des 20 et 21 novembre 1944, de poste de soin, de ravitaillement. Madeleine, inlassable, est blessée lors des combats, d’une balle allemande. Elle a fourni armes, munitions et soins aux combattants.

Rôle de Madeleine Poirisse dans la résistance. (témoignages d’Arlette Fougeront, fille de Victor et Anna Heidet) – 2015

Extrait du registre de Victor Heidet concernant Madeleine Poirisse. (témoignage d’Arlette Fougeront, fille de Victor et Anna Heidet) – 2015

 

 Posted by at 16 h 46 min