31 – Les frères Marietta

 

 

31Site N° 31

 

     L’inquiétude est forte début décembre 1944 car malgré la libération de Belfort, on n’a aucune nouvelle d’une soixantaine de maquisards du groupement FFI du Territoire de Belfort. Le pire se confirme avec les deux dramatiques découvertes du 8 décembre 1944.

 

 

Le drame de Banvillars

      

(photos : R. Bernat)

Témoignages de Pierre Mermet, garçon de 8 ans en 1944. (2015)

Le 10 octobre 1944, vingt sept résistants sont fusillés par les nazis.

Cetificat d'appartenance au FFI de Joseph Grandvoinet, père de René Grandvoinet. (Source : Coll privée J.M Grandvoinet)

Cetificat d’appartenance au FFI de Joseph Grandvoinet, père de René Grandvoinet. (Source : Coll privée J.M Grandvoinet)

Ces résistants font partie pour la plupart des trois compagnies de combat des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur) du Groupement Territoire de Belfort qui a reçu pour mission, début septembre 1944, de harceler les troupes allemandes en retraite dans le massif sous-vosgien, ainsi que dans le secteur d’ÉTOBON, afin de créer une zone d’insécurité pour l’ennemi et faciliter ainsi la libération de la région. Ce groupe de résistants FFI (Forces françaises de l’intérieur), a répondu à l’appel de l’abbé Dufay et a gagné  le maquis de la Haute-Planche le 5 septembre 1944

Mais dans la nuit du 17 au 18 septembre 1944, pour éviter l’encerclement, Dufay commande aux trois compagnies de maquisards de décrocher séparément. La 2ème, composée d’une cinquantaine d’hommes, est dirigée par le capitaine Perriaux. Abritée dans la forêt près de Frahier, elle attend fin octobre, pendant près d’une semaine, une attaque alliée qui ne vient pas. Leur chef décide alors, avec une trentaine de volontaires, de tenter une percée vers le sud pour rejoindre les armées alliées. Mais le 2 novembre, à Granges-le-Bourg, le commando  tombe sur un bataillon allemand au bivouac. Il est encerclé. Seuls sept hommes parviennent à s’échapper.

Citation concernant Joseph Grandvoinet, père de rené Grandvoinet. (Source : Coll privée J.M Grandvoinet)

Citation concernant Joseph Grandvoinet, père de René Grandvoinet. (Source : Coll privée J.M Grandvoinet)

Emprisonnés à la caserne Friedrich à Belfort ils sont condamnés à mort comme terroristes et fusillés ici, au matin du 10 octobre 1944. Quinze de ces victimes étaient originaire du Territoire de Belfort : de Belfort, Lachapelle-sous-Chaux, Giromagny, Valdoie et Sermamagny. Neuf autres demeuraient en Haute-Saône, à Etobon, Champagney, Plancher-Bas et Ronchamp. Il y avait aussi un tirailleur sénégalais et un soldat nord-africain. Parmi les fusillés :

  • les quatre gendarmes composant la brigade de gendarmerie de CHAMPAGNEY,
  • les trois DUGOIS de Belfort, le père lieutenant et ses deux fils dont l’un blessé sera fusillé sur son brancard,
  • les deux GRANDVOINET de LACHAPELLE-SOUS-CHAUX, le père et le plus jeune de ses fils
  • les deux MARIETTA de VALDOIE,
  • les deux NARDIN d’ETOBON
  • le capitaine PERRIAUX de Belfort, officier d’active, commandant la deuxième compagnie des FFI.

 

La tragédie d’Etobon

(photos : R. Bernat)

Témoignages de Pierre Mermet, garçon de 8 ans en 1944. (2015).

                  Alors que les Alliés sont sur le point de libérer la région de l’aire urbaine, Étobon, petit village  au nord du canton d’Héricourt est le lieu d’une effroyable tragédie.  Le 27 septembre 1944, en réponse aux harcèlements des résistants locaux, 39 hommes sont sauvagement fusillés dans le village voisin de Chenebier,  27 autres sont déportés.

                  En septembre 1944, les troupes alliées de libération franco-anglo-américaines ne recevant pas leur ravitaillement autant en munitions, qu’en essence pour pouvoir progresser en direction du Rhin, sont stoppées non loin d’Etobon. Les troupes françaises venant de Villersexel et de Lure sont à l’arrêt à Frédéric-Fontaine (environ 3 km au nord-ouest) depuis le 15 septembre. Le front stable entre Ronchamp à l’est et le Lomont à l’ouest est à environ 8 km.

                 Le groupe de résistance d’Etobon appartient au groupement FFI du Territoire de Belfort. Mais le maquis belfortain, mobilisé depuis le 6 septembre sous les ordres de l’abbé Dufay, ne peut rester groupé. Aussi la 1ère compagnie, celle du capitaine Aubert, prend position vers Etobon tout proche du maquis du Chérimont. Elle  a pour mission de surveiller la route Lure-Héricourt par où passent les convois allemands se dirigeant vers Belfort. Le groupe intègre les sept gendarmes de la brigade de Champagney qui ont fui dès le 17 août pour éviter l’arrestation qui a touché leurs collègues de Lure ou de Belfort.

               Le maquis d’Etobon, comme bien d’autres, souffre d’un sous-équipement, il ne dispose que de douze mitraillettes, de quatre fusils mitrailleurs et de soixante fusils de récupération. D’autres groupes de maquisards agissent dans les environs : celui de Magny-d’Anigon surveille la RN 19 entre Lure et Belfort, ceux de Champey et d’Héricourt tiennent « les bois de Vaux » au nord de Luze et Couthenans. En outre, les gens d’Etobon aident à l’évasion par la Suisse de nombreux évadés, officiers et soldats anglais, hindous.

               A peine installés, les maquisards d’Etobon tendent des embuscades le long des routes et, dès le 8 septembre, pratiquement tous les jours des accrochages ont lieu. Le 9, le groupe de Cherimont attaque une auto avec un officier supérieur qui est tué. Le même jour, Jules Tournier, lieutenant dans le groupe d’Etobon, trouve la mort dans l’attaque d’un convoi allemand.  Le 12, quatre Allemands venus réquisitionner les vélos à Etobon sont capturés. Avec des déserteurs russes, polonais, alsaciens, cela porte à onze les prisonniers gardés par les gendarmes de Champagney qui ont pris le maquis. Le 13, un side-car et une auto allemands hésitent sur la route à suivre en traversant le village. Malgré l’interdiction de tirer, un jeune patriote, trop nerveux, lâche un coup de fusil qui déchaîne une bagarre où trois Allemands, dont un lieutenant, sont tués et, un, blessé. Les résistants ont un nouveau tué : Raymond Croissant. Le 14, quatre Allemands réquisitionnent des chevaux dans Chenebier. Un habitant demande du secours aux résistants d’Etobon. Deux hommes se détachent sans prévenir leur chef ; ils tuent un Allemand le croyant seul, les trois autres, alertés, s’enfuient. Une troupe ennemie arrive de Frahier, rassemble la population de Chenebier devant le monument aux morts, mettent le feu à la ferme de Pierre Goux, voisine du lieu de l’accrochage et abattent un enfant de 9 ans d’une rafale de mitraillette parce qu’il courait chercher son grand-père absent. Le village est menacé de terribles représailles.  Les 17 et 18 septembre, des cavaliers cosaques patrouillent en forêt et traquent les  « terroristes ». Le maquis de Cherimont, attaqué, doit se disperser. Des hommes de la région sont obligés d’effectuer des travaux de terrassement pour le compte des Allemands. Les captifs allemands vont être conduits par les résistants vers les lignes alliées mais leurs gardiens, mal armés et peu nombreux, en laissent échapper une dizaine.

                 La stabilisation du front est une catastrophe pour les FFI, ils espèrent l’arrivée rapide des armées alliées en vain.  Sur le point d’être cernés, ils ne peuvent plus tenir alors, le 23 septembre, le capitaine Aubert dissout sa compagnie. Les hommes du maquis d’Etobon, se dispersent, rentrent chez eux et reprennent leur allure de braves cultivateurs. Le capitaine et une quinzaine de volontaires partent en direction de la ligne de front et réussissent, le 27 septembre, à rejoindre la 1ère DFL (Division Française Libre)

                Le mercredi 27 septembre, les hommes de 16 à 60 ans sont appelés à la mairie et rassemblés dans la classe des garçons. Malheureusement ce n’est pas pour des travaux de terrassement, comme précédemment, mais pour des représailles. Les issues sont gardées et le village est bloqué par les Cosaques. De nombreuses maisons sont fouillées. Quelques hommes cachés sont découverts et rejoignent le rassemblement. Trois anciens prisonniers du maquis d’Etobon qui ont pu s’échapper sont chargés de reconnaître les maquisards. Deux d’entre eux ne peuvent ou ne veulent reconnaître personne, le troisième désigne un à un dix-sept  hommes qu’il dit avoir vus. Ses choix se révèlent en partie arbitraires. Le capitaine cosaque annonce que les hommes devront effectuer des travaux de défense à Héricourt alors un peu avant midi, le détachement se met en route pour Chenebier.

             A Chenebier vers midi et demi, 67 hommes, dont le maire et le pasteur,  sont enfermés dans l’ancien atelier de couture au centre du village en face du temple. Un camion arrive de Belfort et amène quelques officiers allemands et, croit-on, des hommes de la Gestapo. L’après-midi est consacrée, pense-t-on, à un simulacre d’interrogatoire. Un peu avant 16 heures, 27 hommes non-suspects vont être dirigés en charrettes vers la prison de la caserne Friederich à Belfort. Le groupe des 17 désignés s’accroît de 23 autres hommes, ils sont condamnés à mort.

              Les suppliciés sont dirigés par groupe de dix vers la façade du temple de Chenebier où deux bourreaux les abattent à coup de mitraillettes. Le premier groupe a dû se mettre à genoux faces aux tireurs ;e deuxième et le troisième à genoux, mais le dos tourné. Le quatrième, debout, face aux tireurs chantait « La Marseillaise ». Sur les 40, un seul en réchappe, gracié en alléguant qu’il a dû malgré lui et sous la menace servir d’interprète au camp de prisonniers. Le maire de Chenebier est appelé et ordre lui est donné de faire creuser sans délai une fosse pour les 39 victimes dont 32 sont des hommes du village. Il réunit une douzaine d’hommes pour creuser une fosse commune dans le cimetière, à côté du temple. Les victimes y ont été déposées sur de la paille, en trois rangées superposées. Les jours qui ont suivi le drame et tant que les Allemands sont cantonnés au village, il est interdit à toute personne d’entrer au cimetière et de déposer des fleurs.

              C’est seulement le samedi 30, trois jours après l’assassinat,  que les habitants d’Etobon sont informés du drame les concernant. La terreur à Chenebier est telle que personne n’a osé, tant que les Cosaques étaient présents, se faire le messager de l’horreur. Madame Emmanuel Abry, qui avait vu mourir sous ses yeux deux neveux, monte à Etobon où règne, en un instant, la plus désespérante consternation.

            Entre le 27 septembre et le 18 novembre, jour de la Libération, toute la commune supporte l’insupportable : vols, rapines, spoliations, travaux forcés, violences, etc. Le médecin-chef allemand qui joue le rôle de major, applique à Etobon les ordonnances du Reich concernant la guerre totale. « Tout est permis à l’égard d’un village de « terroristes ». Il semble même qu’Etobon ait échappé à un drame du type d’Oradour-sur-Glane.  L’ordre aurait été donné de réduire en cendres le village et de rassembler toute la population au temple de Chenebier destiné à être alors dynamité.

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